Tour du Mont-Blanc avec départ aux Saisies, effectué dans le sens trigonométrique 😁 = cols du Cormet de Roselend/Petit Saint-Bernard/Grand Saint-Bernard/Forclaz/Les Montets/Les Saisies.
Au plus bas on doit être vers 400 m et au plus haut à 2469 m au sommet du Grand Saint-Bernard. Le graphique ci-dessous est approximatif mais sympa.
Étant parti avec 2 compteurs, je n'ai constaté que le surlendemain que celui qui avait lâché en premier (le Garmin) avait continué son enregistrement. Je suis soulagé, car j'étais contrarié par la défaillance de mon Wahoo à 15 km du but. Je vais pouvoir archiver tout cela dans Strava.
Intro
Cela faisait 20 ans environ que l'idée me trottait dans la tête. Il y a bien longtemps 😁 mon niveau en cyclomontagnarde (top 10 dans des cyclosportives comme la Marmotte, La Vaujagny ou autres) me laissait croire que je pouvais le faire, mais la crainte de m'y engager m'a toujours conduit à repousser...
Je me vois encore soumettre l'idée à Olivier Dulaurent en 2002, mais sans conviction d'avoir la robustesse physique, ou plutôt je voyais ça comme un vague fantasme. Je regrettais l'inexistence d'une épreuve. Ce n'est que bien plus tard qu'elle fut créée.
Bref, c'était un doux rêve dont la réalisation ne se concrétisait pas. Soit pour des raisons d'indisponibilité, soit pour en raison de successions de blessures : 2007-2010 sans compétition du fait d'une fracture du bassin, 2014 = fracture vertébrale, 2015 un tir groupé de 5 fractures. En résumé, les années 2007-2015 furent des années consacrées au travail et/ou à panser les plaies.
La vie m'a pendant 15 ans éloigné des sommets (Le Creusot - région formidable au passage). Elle m'a récemment replongé en région montagneuse. Ma position actuelle à Faverges m'a amené à regrimper comme jamais : actuellement, pour "seulement" 5500 km de vélo, j'ai plus de 110 000 m de dénivelé positif, ce qui constitue une bonne base. Il m'est régulièrement arrivé de faire des sorties de seulement 50 km avec 1500 m de dénivelé, soit un bon rapport qualité prix dans l'optique d'un tel circuit.
Le récit
La veille vers 20h00, le vendredi 28 juin, je pars faire le col du Joly en partant des Saisies à la fraîche. La vision du Mont-Blanc et les conditions climatiques me pousse à croire que c'est le moment. J'ai eu une semaine chargée, en terminant vendredi à 18h30, mais travaillant le lundi, seul le samedi est envisageable. Je n'en parle qu'à Maxence Pedreno qui me dit qu'avec la canicule ça n'est peut-être pas la meilleure option. Ma décision est prise à minuit : je me couche sans réveil et si naturellement je me réveille à une heure convenable (dans cette optique), je file.
3h30 du matin, je me réveille en bonne forme : Go on fonce ! Je prends l'option d'un stationnement au sommet des Saisies pour finir en grimpée. Duduche m'a indiqué le parcours récent de Julien Lodolo (un spécialiste en la matière) avec un sens de rotation qui me semble intéressant. Olivier m'a convaincu i) que j'avais le niveau et ii) que le sens de rotation France/Italie/Suisse était bien plus agréable du côté du Grand Saint-Bernard. J'adopte cette option en analysant la trace Strava en détail pour n'avoir aucun doute lors de ma progression.
Je n'ai prévenu personne car je crains des messages de dissuasion et je compte être "focus". À 5h00, je suis près à partir...Je me rends compte que mon téléphone n'est qu'à 40% (histoire de rallonge ou de branchement). Je prends la décision de repousser à 5h30 pour atteindre environ 60% de batterie.
61%...Je décide de partir.
5h36 : départ
Descente rapide du col des Saisies mais la luminosité n'étant pas au max, je me méfie. Une seule voiture me double.
Je file direction Beaufort. Je monte au Cormet de Roselend. Je comptais être au sommet à 7h00. C'était optimiste et je ne force pas pour coller au moindre objectif. Il fait déjà tiède et je transpire...ça promet. L'ascension est fabuleuse, je suis seul au monde (2, 3 locaux pour des préoccupations tout autres..), ça me change des week-ends avec 200 Porsches, 5000 motos et des voitures sans interruption.
7h14 je suis au sommet du Cormet : 1h38 après être parti des Saisies c'est convenable. Mes sensations sont correctes. Je ne me sens pas dans un jour d'exception, j'ai quelques tensions musculaires. Ainsi, je m'évertue à pédaler en souplesse.
Bourg Saint-Maurice direction le col du petit Saint-Bernard
Ce col est un peu déprimant, il fait 27 km de long et sa pente moyenne est faible. Je le trouve monotone. Il conduit à 2188 m et permet de basculer en Italie. Les sensations sont toujours acceptables. Au sommet, je rencontre un vent de face pénalisant mais au moins celui-ci me pousse à modérer mes ardeurs. J'ai déjà chaud et soif, mais ça reste tolérable.
9h27 : arrivée au sommet du petit Saint-Bernard. Je fais le plein en liquide/solide et quelques photos. Je m'engage dans la descente. Il y a un début de trafic mais je parviens à descendre rapidement avec quelques traversées de tunnels dont je ne me rappelais plus du tout de l'existence (San-Carlo 2003 en pleine canicule). Je croise des skieurs à roulettes de bon niveau apparemment...équipe d'Italie ?
Dans la vallée en direction d'Aoste il fait chaud. Je suis subjugué par la beauté du massif du Mont-Blanc vers Pré-Saint-Didier. Je ne m'attarde pas.
La route vers Aoste correspond à un plat descendant, je suis très satisfait de ne pas avoir à la parcourir en sens inverse. J'arrive à Aoste et cafouille un peu. Rien de grave mais je ne prends pas la bonne direction immédiatement. J'entame la montée sur une "espèce" d'autoroute. Je suis encore bien mais les 147 km commencent à peser. J'ai vraiment chaud, je m'arrête et bois 2 Iceteas, je prends deux bouteilles d'eau pour mon bidon de "rafraîchissement" mais 30 min plus tard il est déjà tiède. En pleine montée, j'entends un crissement, une moto glisse en descente et se plante dans la glissière à ma droite. S'il y avait eu quoi que ce soit sur sa trajectoire (cycliste, moto, voiture etc..) c'était le carnage. De nombreuses voitures s'arrêtent. Le motard est vivant mais en souffrance. Entre les mains de nombreux automobilistes, je ralentis pour vérifier que je ne peux pas contribuer à quoi que ce soit. Vérification faite, je poursuis ma route. Je commence à être dans le dur et je rentre dans ma bulle. À Saint-Oyen je trouve une fontaine. Elle me sauve la mise car je surchauffe. Sans véritablement coincer je ralentis. J'observe un énorme tunnel et une route sur ma droite permettant d'aller au sommet en empruntant une superbe route touristique. La civilisation s'est réveillée, des files de motos me doublent avec des pointes de vitesse bruyantes et désagréables. Le sommet est magnifique, heureusement car je peine. Un cycliste déposé par une voiture pour réaliser le finish me double. Je n'ai aucune envie de le suivre, car je crains de le payer plus tard. Les 6 derniers km sont compliqués. Je traverse un tunnel à la route désastreuse. J'arrive au sommet après 40 km depuis Aoste. Je ne suis pas bien du tout mais satisfait. J'ai l'impression d'avoir fait le plus dur. Je n'anticipe pas bien la suite...
13h15 : sommet du Grand Saint-Bernard, je suis dans le dur, embrumé.
Le début de la descente est scabreux et raide, la route plutôt mauvaise. Après quelques km, j'entre dans de très longs tunnels. Je n'imaginais pas cela possible dans un tel col d'altitude. En descente, cela ne me dérange pas, je suis au frais. Je ressens la fournaise de Martigny se profiler. Je perçois le détour par Champex que l'on peut faire pour compliquer le tour. Je n'ai nullement envie de prendre le moindre risque par cette chaleur...et à vrai dire je ne me sens pas capable de la moindre fantaisie.
Dans la descente j'ai l'instant de lucidité ou l'intuition qui va sauver mon tour. Je vois une station service et pense que monter la Forclaz sans avoir fait le plein sera impossible. Quand j'entame le col de 15 km, j'ai de très bonnes sensations. Il fait très très chaud mais ça va. Au bout de seulement 3 km les choses se compliquent gravement. Ma température corporelle s'emballe et je crains le malaise. Il n'y a aucune fontaine, c'est un col sans vie, un col de survie. Tous les 500 m je me verse de l'eau sur la tête. Je doute. J'ai une telle réserve de rythme que ça devrait passer me dis-je ! Malgré tout, même à faible allure je pioche. Je compte les mètres en ne cessant de me faire doubler par des bolides. La fin est un calvaire. Quand j'arrive au sommet il y a une fontaine, c'est ma providence. Je plonge les pieds dedans. Je me mouille la tête et bois des litres. Je ne suis pas bien du tout. Un mec me demande si mes pieds sont propres, je lui réponds "Autant que votre casquette qui trempouille". Bon joueur il me dit "Bien répondu" et on entame une discussion 🤣
La descente en direction de Trient me fait un bien fou. La température a chuté, je reprends espoir. Le passage à Vallorcine sent bon la France. Le col des Montets est une formalité mais il est déjà 16h15.
La vue en arrivant sur Chamonix est magnifique, je m'arrête pour faire quelques photos et acheter quelques boissons pour 20 €...
C'est très cher mais la méfiance du reste du parcours m'oblige à taper dans la bourse 😁
Connaissant bien Chamonix, je n'ai aucun problème à aller chercher Vaudagne puis Servoz. La descente de Vaudagne est très technique. Avec ma lucidité décroissante, je reste prudent. Je constate une chute de force dans les bras. J'encaisse moins bien les irrégularités de la route. L'arrivée sur Chedde n'est pas très bien indiquée ou alors je n'ai plus les yeux en face des trous. Petit retour en arrière de 30 m, ça n'est qu'un moindre mal.
L'arrivée sur Chedde a un petit goût de pic de pollution et de fournaise. J'effectue un dernier plein dans un bar avec 2 cocas, 2 iceteas et 2 bouteilles d'eau.
Je pars en direction du Fayet et de Saint-Gervais. La montée est pénible car chaude et truffée de cars, voitures etc...
La jonction de Saint-Gervais à Megève se fait bien. Arrivé à Praz sur Arly je commence à y croire. La crainte d'une crampe ou d'un problème mécanique demeure mais la probabilité chute.
Je suis bien dans la dernière montée. J'évite de m'emballer par ultime méfiance. Quand je vois le panneau indiquant Les Saisies 4 km je me dis que sauf météorite, ça devrait le faire.
Peu avant 20h00 je boucle le tour, je serre le poing de satisfaction.
Voilà un "rêve de vie" réalisé...depuis le temps que j'y pense.
Le faire seul sans assistance est un défi particulier. Il faut avoir confiance en son physique et en sa mécanique. Quel que soit le point, je n'étais pas à 100% sûr 😁 mais qui peut l'être, surtout pour une première tentative.
Ce trip donne l'impression de faire un tour du monde dans la journée. J'ai tenté de profiter autant que possible du paysage, sauf dans La Forclaz...que je tiens désormais en horreur.
Mon bilan chiffré : 14h18 en tout dont 13h14 de vélo à 24,7 km/h.
Alimentation : 2 Snickers dont 1 liquéfié 😁 + 4 gels + 2 Barres + 3 petites boissons 10 cl + 2 cocas + 6 iceteas + 2 bidons remplis d'overstim avec malto + 2L de boisson à base de cachets effervescents Isostar (bidons constitués en route) + plusieurs litres d'eau au niveau des fontaines.
Vêtements : light avec seulement un petit coupe vent
Matériel : 1 mini pompe, 1 chambre à air, une capsule de gaz, 1 kit de réparation tubeless, un multi-outils Leyzine
Vélo : Scott Addict SL
Roues : Fulcrum zero competizione tubeless
Pneus : tubeless continental 5000 pour leur roulement, leur solidité mais surtout leur grip incomparable.